Le Cardinal Philippe Barbarin, Archevêque de Lyon
Le 30 janvier 2009 - (E.S.M.) -
Evêque négationniste: le cardinal Barbarin affirme que "la pensée du pape Benoît XVI est très claire" sur "ces propos scandaleux, contraires à la vérité, affreusement blessants" et "sur la triste histoire de l'Allemagne à cette époque"
Evêque négationniste: le card. Barbarin affirme : la pensée du pape Benoît XVI est très claire
Guillaume Tabard - Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, est ce soir l'invité du Talk Orange-Le Figaro. Mgr Barbarin, bonsoir.
Le 30 janvier 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde -
Philippe Barbarin - Bonsoir à tous les téléspectateurs.
On le sait vendredi, à la fin de la semaine, le pape Benoît XVI a annoncé qu'il levait l'excommunication qui pesait sur les quatre évêques qui avaient été ordonnés par Mgr Lefebvre, et, simultanément, on a entendu les propos qu'on va voir tout de suite de l'un de ces quatre évêques niant l'existence des chambres à gaz. On regarde tout de suite ce qu'il disait (passage vidéo). Que dire face à de tels propos ?
Que ce sont deux choses qui sont à distinguer, c'est-à-dire que ces propos sont scandaleux. La question qu'on se pose toujours quand on est face à un négationniste ou bien on l'exclut et on ne lui parle plus. On dit que c'est une horreur, et on se demande s'il se rend compte que premièrement c'est faux historiquement ; puis, deuxièmement, de la foule de gens qu'il blesse, comme ce sont des propos affreux. Que peut-on faire pour dire la vérité, pour le faire changer d'avis et le mettre face à ses responsabilités. Évidemment, ça n'a rien à voir avec l'excommunication parce qu'on ignorait tout des propos de cet évêque et on savait qu'il avait été consacrée d'une manière complètement interdite le 30 juin 1988 par Mgr Lefebvre qui enfreignait un ordre très précis et très direct du pape Jean-Paul II.
On va revenir sur la décision elle-même, mais sur les propos. Maintenant le mal est fait, le scandale est réel et notamment la communauté juive est blessée par cette décision?
Pas que la communauté juive, moi aussi.
Oui, bien sûr. Que faut-il faire ? Faut-il que le Pape demande à cet évêque des excuses publiques pour ce qu'il a dit ? Faut-il que le Pape mette de côté sa décision le concernant ?
Il faut que nos amis les juifs sachent que ce ne sont pas du tout les propos d'un chrétien, que ce sont des propos horribles, scandaleux et contraire à la vérité, affreusement blessants, comme tous les propos des négationnistes. Sur ce point, il faut que ce soit tout à fait clair. Lui, il le sait, il a étudié de près ce qu'il en est de la triste histoire de l'Allemagne à cette époque et il en a manifesté le repentir. Quand récemment il a été informé de la Shoah en Ukraine, il a immédiatement réagi en disant : « Je ne savais pas que nous avions été coupables de telles horreurs. » La pensée du pape Benoît XVI sur ce sujet est très claire.
Il y a tout de même un soupçon qui pèse et certains responsables de la communauté juive reprochent à Benoît XVI de faire l'impasse sur tout le travail entrepris par Jean XXIII et par Jean-Paul II. Est-ce un procès d'intention qui lui est fait ?
Je crois que c'est faux. Par exemple, j'avais participé à une grande rencontre de rabbins et cardinaux à New York, lui n'avait pas pu venir et le premier message venait de lui. C'est lui qui nous parlait, pace qu'il avait fait un enregistrement spécialement pour ça. Lorsqu'il y a eu une rencontre du Congrès juif européen à la mairie de Paris, il y avait une lettre personnelle du pape Benoît XVI au cardinal Lustiger en disant : « Je viens d'apprendre cela et pour moi c'est un effroi supplémentaire. Je savais déjà tout ce qui s'était passé en Allemagne, mais je ne savais pas ce qui s'était passé en Ukraine et donc vous m'informez. » Les liens si profonds qui existaient entre le cardinal Lustiger et le cardinal Ratzinger et ensuite le pape Benoît XVI, tout le monde les connaît.
Aujourd'hui, qui peut éteindre l'incendie ? Est-ce le Pape qui doit parler ? Est-ce vous, les cardinaux de l'Église catholique, qui devaient monter au créneau, comme vous le faites en ce moment ?
Nous, les cardinaux de l'Église catholique, notre pensée sur ce sujet est claire, connue et sans faille. C'est vrai que moi immédiatement j'ai téléphoné à mes amis juifs pour leur dire : «Vous savez bien que ces propos-là me scandalisent autant que vous.» Au Saint-Siège aussi, immédiatement, ils ont dit que ça n'avaient rien à avoir avec la levée de cette excommunication. La levée de l'excommunication, c'est un acte juridique, qui a pour but de dire, puisque vous voulez une discussion de fond et que vous demandez la levée de l'excommunication pour qu'on arrive à cette discussion ; eh bien on lève l'excommunication. Maintenant on en arrive à la possibilité effective d'une discussion de fond sur l'enracinement du concile Vatican II dans l'ensemble de la tradition catholique.
Beaucoup de chrétiens se posent des questions sur cette décision elle-même. Un internaute rappelle que nous achevons la semaine de prières pour l'unité des chrétiens et dit : « Est-ce que plutôt de se tourner vers les intégristes, il n'est pas plus urgent pour l'Église de se réconcilier avec les autres confessions chrétiennes ? »
Mais elle le cherche aussi et tout autant, avec tout le monde. Pour nous, c'est un commandement de Jésus qui est dans l'Évangile où il dit : « C'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres, qu'on vous reconnaîtra pour mes disciples. » Que je sache les intégristes sont les disciples de Jésus et disent qu'ils le sont et les protestants, les orthodoxes, les anglicans, les baptistes, etc. aussi. Qu'à l'intérieur de la semaine de prières pour l'unité des chrétiens, on dise : « Moi, quand les baptistes parlent, j'aime la façon dont ils aiment Jésus et je veux vraiment que le témoignage de l'unité nous le redonnions. » Ça me paraît très important. Il n'y a pas de concurrence entre l'un ou l'autre ; on ne va pas d'un côté et de l'autre. Les baptisés ce sont ceux qui ont reçu la sainteté de Dieu dans le baptême de Jésus-Christ. C'est la comparaison du corps qui est utilisé chez saint Paul : « Le Christ est la tête et nous sommes tous les membres de ce corps. » Il y a un seul sang qui coule dans toutes les artères et ce sang, c'est la grâce du baptême. Il faut que le corps soit réuni plutôt que déchiré.
Pour autant, avec cette décision, ça ne met pas un terme du jour au lendemain au schisme qui avait été provoqué en 1988 par Mgr Lefebvre. Que faut-il aujourd'hui pour que la communion entre ces chrétiens et l'Église catholique soit pleinement rétablie ?
Vous avez raison en 1965, le pape Paul VI et la patriarche Athénagoras ont levé des excommunications beaucoup plus anciennes, car elles dataient de 1054.
Entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe.
Oui. Pourtant l'unité n'est pas encore faite. Je crois que ce sont les conditions enfin réunies pour un dialogue sérieux et pour un dialogue de fond. Sur quoi ? Sur l'enseignement du magistère de l'Église et du concile Vatican II, et sur son enracinement dans la tradition de l'Église catholique. Du côté d'Ecône, ils disent que c'est contraire à la doctrine de l'Église catholique et, de l'autre, l'Église catholique répond que non, le concile Vatican II s'inscrit dans la grande tradition de l'Église et que c'est sur ce sujet qu'il faut discuter. De quoi s'agit-il en détails ? De quoi s'agit-il de façon précise ? Maintenant les conditions sont réunies pour ce dialogue. Ce n'est pas sûr qu'il soit réussi et qu'on gagne.
Vous, concrètement, en tant qu'archevêque d'une grande ville et d'un grand diocèse, quels sont les moyens concrets que vous pouvez prendre pour aider à cette réconciliation ?
Moi, j'ai à l'intérieur de mon diocèse une communauté, même plusieurs d'ailleurs qui dépendent d'Ecône, qui sont polies ou réservées vis-à-vis de moi. Naturellement, pour l'instant, je ne pouvais pas les autoriser à célébrer la messe à la basilique de Fourvière ou dans la cathédrale, et ils font ce qu'ils veulent chez eux, sans m'en demander l'autorisation. Une ou deux fois, ils m'ont fait une visite fort respectueuse en m'expliquant qui ils étaient et en disant qu'à l'intérieur de la messe ils priaient pour le pape Benoît et pour leur évêque Philippe. Ce sont des relations respectueuses, mais qui ne sont pas des relations de communion parce qu'ils n'obéissent en aucune façon à ce que je demande. Ils ne sont pas nommés par moi à cet endroit-là ni même avec mon accord. Naturellement, si au terme de ces discussions, il y a une place canonique, une place juridique, qui leur est redonnée dans l'Église, alors ils la retrouveront à l'intérieur de l'Église catholique, et donc de mon diocèse. Mais cela ce sont des modalités qui ne viendront que si le dialogue porte un bon fruit de communion et de réunion.
Comment situer cette décision dans le cadre de l'ensemble du pontificat de Benoît XVI ?
C'est dans la logique de ce qu'il a dit dès le premier jour, c'est-à-dire : « Si on n'agit pas tout de suite, après ce sera irrécupérable. » Voyez, par exemple, avec les orthodoxes, la cassure datait de 1054 et on a fait à Bari un concile en 1099. On en a refait un autre à Lyon d'ailleurs au XIIIe siècle. Neuf siècles plus tard, on traîne encore cette division. L'idée de Benoît XVI c'est de dire que c'est sans doute encore récupérable avec cette génération. Osons des actes précis, sinon ce sera une fracture qui va durer pendant des siècles. Il y en a bien assez déjà des fractures dans l'Église !
On voit bien que face à l'action du pape Benoît XVI et en particulier cette décision, les avis sont très contrastés, certains internautes comme reprochent aux évêques de France de ne pas être assez enclins à mettre en œuvre ce que souhaite Benoît XVI : en particulier, dans le domaine liturgique. D'autres lui reprochent de faire trop de concessions à la partie la plus traditionnelle de l'Église. Comment fait-on l'unité avec tout cela ?
Ce n'est pas trop difficile parce que l'Église n'est pas un parti. Je n'ai pas à soutenir le Pape en disant : « Il faut faire ce que dit le Pape, je suis du parti du Pape ». A l'intérieur de l'Église catholique, on ne conteste ou on soutient le Pape. On obéit au Pape simplement. C'est un choix qu'il a fait. On peut dire qu'il l'a mûri et qu'il y a longuement réfléchi. C'est parfaitement cohérent avec ce qu'il a dit dès le premier jour. Il le met en œuvre et nous obéissons.
Vous avez évoqué la coupure historique avec l'Église orthodoxe. En ce moment même le patriarcat de Moscou, le plus important de toute l'Église orthodoxe, élit son patriarche. Que peut-on en attendre sur le plan des relations entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe ?
C'est un des grands fruits du pontificat de Benoît XVI, c'est que le rapprochement avec l'Église russe a beaucoup avancé. Vous savez, quand le patriarche Alexis est venu à Paris, c'est la première fois que le patriarche de Moscou et de toutes les Russies sortait de Russie depuis quatre siècles que ce patriarcat existe, et il est venu à Paris. Évidemment c'était une manière de dire qu'il venait à Notre-Dame de Paris, dans un haut lieu de l'Église catholique et tout le monde avait à l'esprit et c'est d'ailleurs ce que le cardinal Ricard, président de la conférence des évêques à ce moment-là, a dit : « J'espère que c'est un premier pas pour la rencontre avec le Saint-Père. » On peut aussi espérer et peut-être que le nouveau patriarche fera le pas de plus qui permettra soit d'aller à Rome, soit d'accueillir le Pape à Moscou.
On parle beaucoup de crise dans l'Église : de crise des vocations, de crise de la pratique. Décelez-vous actuellement des signes de changement, et en particulier, la visite de Benoît XVI en France au mois de septembre a-t-elle permis de faire bouger un peu les lignes ?
Je ne sais pas. Que cela veut-il dire « bouger les lignes » ? C'est une expression sociologique ou politique, je ne sais pas si elle correspond à quelque chose chez nous. On a vu une merveilleuse atmosphère de paix. Tous ceux qui ont assisté à la messe de l'esplanade des Invalides, avec son silence, sa beauté, c'était la liturgie du pape Paul VI concélébrée par des milliers de prêtes avec le Pape en plein milieu et il y avait de la place pour du latin et du français. Il y avait tout un peuple de toutes les générations mélangé sur une place historique de la ville de Paris. Une atmosphère de paix et de silence, de prières et de joie qui était considérable. Je ne sais pas si j'ai déjà vu des messes aussi belles que celle des Invalides le 13 septembre. Personnellement, j'étais encore plus ému par la messe du lundi 15 auprès des malades. À Lourdes, il n'y avait plus de barrières, beaucoup moins de police et on a vu les malades approcher jusqu'à Benoît XVI. Lui leur donner le sacrement des malades. On a même vu, c'était magnifique, un jeune malade qui n'arrivait pas à avaler l'hostie et le Pape restait avec l'hostie suivante dans les mains en attendant que ce malade puisse le faire.
Les sujets d'actualité, le travail du dimanche va revenir à l'Assemblée, la révision de la bioéthique. Êtes-vous inquiet sur l'évolution de la société française ?
Non. La loi de bioéthique en 2004 m'avait beaucoup blessé, comme elle avait beaucoup blessé les catholiques, je pense aux déclarations de mon prédécesseur, Mgr Millet, qui avait dit « l'embryon humain n'est pas une chose. On ne l'utilise pas, on ne le produit pas, c'est quelque chose de tout à fait clair. » Cette inquiétude est tombée à l'eau au moment de la loi sur la fin de vie, qui est une loi magnifique, qui a ouvert une loi française qui a donné l'exemple à toute l'Europe et à beaucoup d'autres pays du monde. Ici, nous sommes consultés, il va y avoir des assises nationales de la bioéthique et j'espère que tout le monde prendra la parole. Ce sont des problèmes qui touchent tous les Français. Et les catholiques doivent prendre la parole puisque leur avis est sollicité comme tous les autres à l'intérieur de ce débat de toute notre société.
Sources : articles/interviews/talk-Orange-Figaro
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Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 30.01.2009 - T/Eglise